Un dessinateur salarié de Van Cleef & Arpels débouté de sa demande de droits d'auteur sur les dessins de joaillerie
Les litiges en matière de droit d'auteur des salariés sont assez rares mais sont amenés à se développer.
En l'occurrence, Monsieur X., d'abord embauché en qualité d'ouvrier joaillier, a été nommé, à compter du 1er septembre 2000, dessinateur au sein de l'une des sociétés du groupe Van Cleef & Arpels, qui commercialise des produits de joaillerie et d'horlogerie sous la marque éponyme, sans que les relations de travail entre les parties n'aient été formalisées par écrit.
Son employeur lui a proposé, en avril 2004, de conclure un contrat de travail à durée indéterminée auquel était annexé un contrat de cession de droits d'auteur, contrats qu'il a à plusieurs reprises refusé de signer.
Licencié pour faute grave le 21 septembre 2005, il a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette mesure.
Soutenant par ailleurs être titulaire de droits d'auteur sur les dessins de bijoux qu'il a réalisés entre 2000 et 2005, Monsieur X a assigné les sociétés Van Cleef & Arpels, Van Cleef & Arpels France, Van Cleef & Arpels International, Compagnie financière Richemont et Richemont International (les sociétés) aux fins notamment d'obtenir le paiement d'une rémunération proportionnelle au titre de l'exploitation de ses créations jusqu'en 2005 et qu'il leur soit fait interdiction de commercialiser toutes pièces de joaillerie reproduisant ses dessins.
Devant la Cour d'Appel de Paris, le dessinateur de Van Cleef & Arpels avait été déclaré irrecevable en son action fondée sur les droits d'auteur qu'il revendique sur les dessins de joaillerie litigieux.
Il s'est pourvu en cassation.
Dans son pourvoi, il arguait notamment du fait :
- que les dispositions du code de la propriété intellectuelle protègent les droits des auteurs sur toutes les oeuvres de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination ; qu'en retenant que les dessins litigieux seraient « en tant que tels dépourvus de valeur lorsqu'ils ne servent pas à concrétiser un modèle de bijou », pour dénier tout droit d'auteur à M. X... sur l'ensemble de ses dessins, la cour d'appel s'est fondée sur une appréciation relative à la destination de ses oeuvres, en violation de l'article L. 112-1 du code de la propriété intellectuelle ;
- qu'une oeuvre ne peut être qualifiée de collective que si la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'une oeuvre qui n'a qu'un seul auteur, même si celui-ci l'a créée à la demande d'un éditeur, ne peut par essence pas constituer une oeuvre « collective » ; que la cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés ; qu'en lui déniant néanmoins tout droit d'auteur sur ses dessins, la cour d'appel a méconnu les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 113-2 du code de la propriété intellectuelle ;
- qu'une oeuvre ne peut être qualifiée de collective que si la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; que M. X... revendiquait la protection au titre des droits d'auteur, non pas des bijoux eux-mêmes, mais des dessins de bijoux ; que la cour d'appel a constaté que les dessins réalisés par M. X... portaient les initiales « TB », ce qui démontrait « l'identité du dessinateur », comme en avaient témoigné d'autres salariés (...).
Dans un arrêt de la 1ère chambre civile de la Cour de cassation du 19 décembre 2013 (n°12-26409), la Cour de cassation rejette le pourvoi du dessinateur et confirme l'arrêt de la Cour d'Appel de Paris.
La Cour de cassation considère « qu'ayant relevé que M. X... avait, en sa qualité de salarié, réalisé les dessins sur lesquels il revendique des droits d'auteur, la cour d'appel a retenu :
- que ces dessins n'étaient que des documents préparatoires à la conception de bijoux, laquelle procédait d'un travail collectif associant de nombreuses personnes,
- que les sociétés avaient le pouvoir d'initiative sur la création et en contrôlaient le processus jusqu'au produit finalisé en fournissant à l'équipe des directives et des instructions esthétiques afin d'harmoniser les différentes contributions et
- que celles-ci se fondaient dans l'ensemble en vue duquel elles étaient conçues, sans qu'il soit possible d'attribuer à chaque intervenant un droit distinct sur les modèles réalisés ».
La Cour de cassation conclut que la Cour d'Appel de Paris en a exactement déduit, sans inverser la charge de la preuve, que « chacun des dessins en cause ne constituait que la contribution particulière de Monsieur X à une oeuvre collective réalisée à l'initiative et sous la direction et le nom de Van Cleef & Arpels, en sorte qu'il était dépourvu du droit d'agir à l'encontre des sociétés ».
C'est la fin d'un long feuilleton judiciaire.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour 4, rue Bayard 75008 Paris
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