Revirement sur la péremption d’instance : elle ne court plus si les parties ont accompli toutes leurs charges procédurales (c. cass. 7 mars 2024)
La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans quatre arrêts du 7 mars 2024 (n° 21-19.475, n°21-19.761, n°21-20.719, 21-23.230) publiés au Bulletin, a opéré ouvertement un revirement de jurisprudence et juge désormais qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière.
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La Cour de cassation opère un revirement affiché de jurisprudence.
La deuxième chambre civile rappelle tout d’abord les sept articles applicables au litige :
- L’article 6§1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
- L’article 2 du Code de procédure civile, lequel prévoit que les parties conduisent l’instance sous les charges qui leur incombent et qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure dans les formes et délais requis.
- L’article 386 du Code de procédure civile, aux termes duquel l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans.
- L’article 908 du Code de procédure civile selon lequel l’appelant dispose d’un délai de trois mois à compter de la déclaration d’appel pour remettre ses conclusions au greffe.
- L’article 909 du Code de procédure civile aux termes duquel l’intimé dispose d’un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l’appelant prévues à l’article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
- L’article 910-4 du Code de procédure civile selon lequel les parties doivent présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait.
- L’article 912 du Code de procédure civile qui prévoit que le conseiller de la mise en état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries. Toutefois, si l’affaire nécessite de nouveaux échanges de conclusions, sans préjudice de l’article 910-4, il en fixe le calendrier, après avoir recueilli l’avis des avocats.
En second lieu, les juges de la haute Cour rappellent la position jusqu’alors retenue par la Cour de cassation, sur laquelle s’était fondée la Cour d’appel de Grenoble pour rendre sa décision :
« Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait, en matière de procédure d’appel avec représentation obligatoire, d’une part, que la péremption de l’instance d’appel est encourue lorsque, après avoir conclu en application des articles 908 et 909 du Code de procédure civile, les parties n’ont pas pris d’initiative pour faire avancer l’instance ou obtenir du conseiller de la mise en état la fixation, en application de l’article 912 du Code de procédure civile, des débats de l’affaire (2ᵉ Civ., 16 décembre 2016, pourvoi n° 15-27.917, Bull. 2016, II, n° 281), d’autre part, que la demande de la partie appelante adressée au président de la formation de jugement en vue, au motif qu’elle n’entend pas répliquer aux dernières conclusions de l’intimé, de la fixation de l’affaire pour être plaidée, interrompt le délai de péremption de l’instance mais ne le suspend pas (2ᵉ Civ., 1ᵉʳ février 2018, pourvoi n° 16-17.618, Bull. 2018, II, n° 20) ».
La deuxième chambre civile affirme ensuite qu’il y a lieu de reconsidérer cette jurisprudence car :
- Postérieurement à l’arrêt précité du 16 décembre 2016, un nouvel article 910-4 a été inséré dans le Code de procédure civile qui impose aux parties, à peine d’irrecevabilité relevée d’office, de présenter, dès les conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 à 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond ;
- Lorsqu’elles ont accompli l’ensemble des charges leur incombant dans les délais impartis, sans plus rien avoir à ajouter au soutien de leurs prétentions respectives, les parties n’ont plus de diligence utile à effectuer en vue de faire avancer l’affaire, la direction de la procédure leur échappant alors au profit du conseiller de la mise en état ;
- La demande de fixation de l’affaire à une audience se révèle, dans de nombreux cas, vaine lorsque la cour d’appel saisie se trouve dans l’impossibilité, en raison de rôles d’audience d’ores et déjà complets, de fixer l’affaire dans un délai inférieur à deux ans.
Enfin, la Cour de cassation expose la nouvelle jurisprudence qu’elle entend désormais appliquer :
« 16. Il en découle que lorsque le conseiller de la mise en état n’a pas été en mesure de fixer, avant l’expiration du délai de péremption de l’instance, la date de la clôture ainsi que celle des plaidoiries, il ne saurait être imposé aux parties de solliciter la fixation de la date des débats à la seule fin d’interrompre le cours de la péremption.
17. Il résulte de la combinaison de ces textes, interprétés à la lumière de l’article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qu’une fois que les parties ont accompli toutes les charges procédurales leur incombant, la péremption ne court plus à leur encontre, sauf si le conseiller de la mise en état fixe un calendrier ou leur enjoint d’accomplir une diligence particulière ».
La Cour de cassation précise que ce revirement de jurisprudence est immédiatement applicable en ce qu’il assouplit les conditions de l’accès au juge.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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