Intermittent du spectacle (audiovisuel) : requalification des 466 CDDU en CDI et licenciement sans cause d’un Technicien serveur de Mediapro France (CA Versailles 16 mai 2024)
-Dans un arrêt du 16 mai 2024 (RG 22/03145), la Cour d’appel de Versailles infirme le jugement du conseil de prud’hommes de Boulogne Billancourt et requalifie les CDDU en CDI d’un technicien serveur, intermittent du spectacle de MEDIAPRO France et juge que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause.
Le salarié intermittent du spectacle, obtient également une indemnité pour dépassement de la durée journalière maximale de travail.
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1) Sur la requalification des contrats à déterminée d’usage en un contrat à durée indéterminée:
Il résulte de la combinaison des articles L.1242-1, L.1242-2, L.1245-1 et D. 1242-1 du code du travail que, dans les secteurs d'activité définis par décret ou par voie de convention ou d'accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu'il est d'usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en œuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l'utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l'utilisation de ces contrats est justifié par des raisons objectives qui s'entendent de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l'emploi.
Ainsi, la détermination par accord collectif de la liste précise des emplois pour lesquels il peut être recouru au contrat de travail à durée déterminée d'usage ne dispense pas le juge, en cas de litige, de vérifier concrètement l'existence de ces raisons objectives.
En l'espèce, à titre liminaire, il n'est pas contesté que la société MEDIAPRO FRANCE avait une activité dans le secteur de l'audiovisuel qui relève des dispositions des articles L.1242-2 et
D.1242-1 mentionnés ci-dessus et que la convention collective permet le recours aux contrats à durée déterminée d'usage pour les fonctions de “technicien supérieur serveur vidéo” confiées à M. X.
Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats et notamment des contrats à durée déterminée d’usage conclus entre les parties que M. X a été employé entre le 20 septembre 2012 et le 5 février 2021 par le biais de 466 contrats à durée déterminée d’usage d’une durée de quelques heures ou d’une journée pour le même emploi de “technicien supérieur serveur vidéo”, entrecoupés de périodes intercalaires.
A ce titre, il a travaillé de manière régulière tous les mois sur la période en cause à l’exception, certaines années, de mois d’été, et ce pour un nombre de jours oscillant, en année pleine, entre 24 et 77 jours.
Le travail ainsi confié à M. X consistait à participer à la production habituelle de différentes émissions sportives confiées par des clients de la société MEDIAPRO FRANCE à la suite d’appels d’offre, et particulièrement par la société BeIN Sport, ou réalisées par la société elle même, laquelle constitue le coeur de l’activité de production de la société MEDIAPRO FRANCE, des tâches semblables étant d’ailleurs confiées à des salariés employés par le biais de contrat à durée indéterminée.
Par ailleurs, la société MEDIAPRO FRANCE ne justifie pas que les tâches confiées à M. X correspondaient à des remplacements de salariés permanents ou à des “pics d’activité” de production liés à des événements sportifs ponctuels, contrairement à ce qu’elle prétend.
Dans ces conditions, l’ensemble des contrats en cause avait bien pour objet de pourvoir durablement un poste lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise dans le domaine de la production audiovisuelle et la société MEDIAPRO FRANCE ne justifie pas de l'existence d'éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi de technicien supérieur serveur vidéo en litige.
En conséquence, M. X est fondé à demander la requalification de sa relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 20 septembre 2012, date de son engagement par le biais d’un contrat irrégulier. Le jugement attaqué sera donc infirmé en ce qu’il déboute M. X de cette demande de requalification.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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