Barème Macron : la Cour d’appel de Grenoble invoque un fondement nouveau pour l’écarter (CA Grenoble 16 mars 2023)
-La Cour d’appel de Grenoble, dans un arrêt du 16 mars 2023, rejette l’application du barème Macron en invoquant un motif nouveau : depuis la mise en place du barème, le gouvernement n’a pas réalisé d’examen à intervalles réguliers du barème d’indemnisation, contrairement à l’obligation qui a été mise à sa charge par l’OIT (Organisation internationale du travail).
La Cour d’appel de Grenoble a confirmé le jugement entrepris sauf s’agissant du montant alloué à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Statuant à nouveau, elle condamne la Société Climinvest à payer à la salariée la somme de 40.000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La Cour d’appel de Grenoble a commencé par rappeler l’arrêt en date du 11 mai 2022 (pourvoi n° 21-14.490), par lequel la chambre sociale de la Cour de cassation a conclu que les dispositions de l’article L1235-3 du Code du travail, instituant le barème d’indemnisation en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse, sont compatibles avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n° 158 de l’OIT.
Elle relève ensuite que lors d’une session, le conseil d’administration de l’OIT a adopté le rapport du comité d’experts chargé d’examiner la réclamation alléguant l’inexécution par la France de la convention n°158 sur le licenciement, lequel a invité le gouvernement à examiner à intervalles réguliers, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L1235-3, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement abusif.
Elle reconnait que cette décision du comité d’experts n’est pas une décision émanant d’une juridiction supra-nationale s’imposant au juge français, mais elle considère toutefois qu’elle a une « autorité significative » et que « le juge français peut, voire, doit y recourir afin d’interpréter une convention ratifiée par la France dans le cadre de l’Organisation internationale du travail ».
Elle en déduit que :
« Il est dès lors mis à la charge du Gouvernement français une obligation particulière dans le cadre de l’application de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT par le Conseil d’administration de l’OIT.
Il s’ensuit que si le juge national n’a pas le pouvoir de vérifier que le barème institué par l’article L1235-3 du Code du travail garantit au salarié ayant fait l’objet d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse jugé compatible avec l’article 10 de la convention OIT n°158 une indemnisation adéquate de son préjudice dans le cadre de cet accord international, un salarié est fondé à solliciter que le barème soit écarté au regard du préjudice dont il justifie, dans un litige l’opposant à son employeur, à raison de l’absence d’examen à intervalles réguliers par le Gouvernement, en concertation avec les partenaires sociaux, des modalités du dispositif d’indemnisation prévu à l’article L1235-3, de façon à assurer que les paramètres d’indemnisation prévus par le barème permettent, dans tous les cas, une réparation adéquate du préjudice subi pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
Elle en conclue que :
« Lesdits barèmes sont entrés en vigueur le 24 septembre 2017 et aucune évaluation n’a été faite de ceux-ci dans les conditions sus-mentionnées de sorte qu’il manque une condition déterminante pour que les barèmes de l’article L1235-3 du Code du travail puissent trouver application dans le litige soumis à la juridiction si bien qu’il y a lieu de les écarter purement et simplement.
Il appartient en conséquence souverainement au juge d’apprécier l’étendue du préjudice causé au salarié par la perte injustifiée de son emploi en motivant l’indemnité allouée conformément à l’article L1235-1 du Code du travail devant lui assurer une réparation adéquate au sens de l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT ».
Ainsi, en l’espèce :
« Dans ces conditions, au vu des éléments du préjudice subi en particulier le fait que Mme [B] justifie de la persistance dans le temps de sa précarité au regard de l’emploi, étant observé qu’elle était âgée de 57 ans au jour de son licenciement et éprouve manifestement des difficultés sérieuses à retrouver à la fois un emploi stable mais encore au même niveau de rémunération, il convient d’infirmer le jugement entrepris et de condamner la société Climinvest à payer à Mme [B] la somme de 40 000 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
Mathilde FRUTON LETARD élève avocate EFB Paris
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
e-mail: chhum@chhum-avocats.com
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