Discrimination d’un couple de salariés vendeurs : le "name and shame" de la Défenseure des droits (décision DDD du 23 juin 2023)
-3) L’ analyse juridique du Défenseur des droits.
La Défenseure des droits :
constate que MM. X et Y, sur le fondement leur situation de famille, ont été victimes de mesures discriminatoires de la part de leur ancien employeur en méconnaissance des articles 225-1 du code pénal et L1132-1 du code du travail, l’employeur ne rapportant pas la preuve que ces décisions étaient justifiées par des éléments objectifs et licites étrangers à toute discrimination ;
recommande à la société Leroy Merlin de se rapprocher des réclamants afin de procéder à une juste réparation de leur préjudice, de modifier ses pratiques en matière de planification des horaires de travail de ses salariés afin de respecter le principe de non-discrimination, de sensibiliser l’ensemble des responsables à la non-discrimination et de rendre compte des suites données à cette recommandation dans un délai de 3 mois à compter de la notification de la présente.
A cet égard, la société Leroy Merlin ne conteste pas le fait que la situation de famille de MM. X et Y a été à l’origine de mesures qu’elle a prises concernant leurs horaires.
L’entreprise soutient que « les collaborateurs, notamment en charge de procédure d’encaissement, qui ont un lien de parenté ou qui sont en couple, ne peuvent pas travailler ensemble au service client, cela pouvant entraîner un manque de contre-pouvoir ».
L’employeur reproche également à M. X de ne pas avoir précisé son lien avec M. Y quand il a « coopté » ce dernier.
La direction confirme que, lorsqu’elle a été informée des liens personnels entre les deux salariés, « il a été fait application des usages et pratiques du magasin consistant à ne pas faire travailler simultanément au service client 2 personnes de la même famille ou en couple. A compter de cette date, les horaires de M. X et M. Y ont été planifiés en décalé et ce jusqu’à la fin du contrat de de M. Y ».
Il ressort ainsi des éléments susmentionnés que la société a bien appliqué un usage au sein de la société consistant à ne pas faire travailler ensemble au service client des salariés ayant un lien de parenté ou en couple.
Or, comme mentionné supra, cet usage est discriminatoire dans la mesure où les salariés n’ont aucune obligation de préciser la teneur de leur relation, ni au moment de leur embauche, ni pendant l’exécution de leurs contrats de travail et que l’employeur ne peut pas non plus prendre en compte la situation de famille d’un salarié pour arrêter des décisions le concernant, notamment en matière de mutation ou d’horaires de travail.
Dès lors, l’employeur ne peut reprocher à M. X de ne pas avoir informé la responsable service client, ni sa cheffe des secteurs des « liens personnels qui le liaient à M. Y ».
Au demeurant, les agissements de l’employeur ont eu nécessairement un impact défavorable sur la vie personnelle des salariés, l’employeur ayant décidé de ne plus les affecter aux mêmes horaires et de ne plus leur accorder des jours de repos en commun.
A cet égard, les juges ont pu considérer qu’un changement d’horaire imposé au salarié, qui portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale ou à son droit au repos, pouvait justifier la résiliation judiciaire du son contrat de travail.
Dans son courrier de réponse en date du 8 août 2022, la société Leroy Merlin confirme la « pratique du magasin » qui « consiste à éviter de planifier sur le même secteur deux collaborateurs liés par des liens familiaux ou une situation maritale (au sens large) » et qui « vise […] à assurer à chacun un parfait équilibre professionnel, un climat de travail serein et à éviter toute suspicion de traitement de faveur pour les uns ou pour les autres », d’autant que le secteur du service clients est « un secteur “sensible” (encaissements, reprises marchandise…) ».
La société précise toutefois « veiller à ce que les collaborateurs liés par un lien de famille/en couple puissent, à leur demande, bénéficier des mêmes dates de congés ».
Il ressort de ces éléments que la société n’entend pas remettre en cause cet usage qui a pour effet d’opérer une distinction entre les salariés sur le fondement de leur situation de famille.
L’absence éventuelle de « contre-pouvoir » ou le « secteur sensible » du service client invoqués par l’employeur concernant des salariés sans lien de subordination entre eux, et dont il n’a pas été démontré que leur relation a porté atteinte au bon fonctionnement de l’établissement, ne saurait justifier les restrictions apportées à leurs droits et à leurs libertés individuelles, y compris de manière préventive.
A notre connaissance, les rapports spéciaux publiés par le Défenseur des droits sont rares.
La société aurait, probablement, dû suivre la position du Défenseur des droits qui demandait une indemnisation juste des deux salariés, plutôt qu’avoir à faire face à cette publicité.
Il faut saluer cette décision et le travail du défenseur des droits.
Il semble que les deux salariés n’ont pas saisi le conseil de prud’hommes. Peut être qu’une saisine aurait permis d’obtenir une indemnisation.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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