Harcèlement discriminatoire : le régime probatoire est précisé par la Cour de cassation (cass. soc. 14 nov. 2024, n° 23-17.917)
-Dans un arrêt du 14 novembre 2024 (cass. soc. 14 nov. 2024 n° 23-17.917) publié au bulletin, la Cour de cassation introduit une avancée notable dans la qualification juridique du harcèlement discriminatoire et renforce les obligations probatoires de l’employeur en cas de discrimination alléguée, tout en censurant une décision de la cour d’appel de Dijon, estimant que celle-ci n’avait pas correctement apprécié les éléments de discrimination présentés.
Un salarié avait pris acte de la rupture de son contrat de travail en raison de comportements discriminatoires, mais la cour d’appel avait conclu à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans reconnaître la nullité pour discrimination.
La Cour de cassation rappelle ici avec précision la manière dont les juridictions doivent appréhender des faits de discrimination en entreprise, notamment lorsqu’ils sont à l’origine d’une prise d’acte du salarié.
Analyse.
Cet arrêt illustre l’importance du rôle du juge dans les affaires de discrimination au travail.
Les apports principaux de l’arrêt sont, tout d’abord, une clarification du régime probatoire puisque en effet, conformément aux articles L1132-1 et L1134-1 du Code du travail et à la loi n° 2008-496, la charge de la preuve en matière de discrimination est aménagée.
Il incombe au salarié d’apporter des éléments de faits laissant présumer l’existence d’une discrimination.
La charge de la preuve s’en trouve alors allégée, transférant à l’employeur l’obligation de démontrer que ces faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
En ne procédant pas à cette vérification, la cour d’appel a violé les règles probatoires.
Cette approche facilite la reconnaissance des discriminations, souvent difficiles à établir en raison de leur caractère insidieux.
Ce cas met également en lumière l’office du juge, qui doit examiner attentivement l’ensemble des faits avancés par le salarié.
La Cour de cassation insiste sur l’importance de ce contrôle rigoureux, particulièrement dans les affaires impliquant des comportements de harcèlement discriminatoire, qui portent atteinte à la dignité et créent un environnement de travail hostile ou offensant.
L’affaire, renvoyée devant une autre juridiction, illustre l’attention accrue portée par les juges aux discriminations systémiques et leur impact dans le cadre professionnel. Cet arrêt, bien que fondé sur des dispositions déjà établies, réaffirme l’importance d’une approche probatoire favorable aux victimes de discrimination, en conformité avec les principes du droit de l’Union européenne.
Cet arrêt renforce également la protection des salariés contre des comportements discriminatoires, en mettant l’accent sur les obligations de l’employeur de démontrer la licéité de ses décisions.
En pratique, cette décision impose aux employeurs une vigilance accrue dans la gestion des comportements internes et des signalements de discrimination.
Elle rappelle également aux juges l’importance de ne pas écarter des faits probants sous prétexte d’une absence de qualification juridique explicite par le salarié.
Cet arrêt illustre l’importance pour les juges du fond de considérer les faits dans leur ensemble, au-delà des mesures discriminatoires traditionnelles (embauche, rémunération, promotion). En l’espèce, les éléments avancés par le salarié auraient dû suffire à déclencher l’examen probatoire, ce qui implique une recherche sur les justifications de l’employeur.
L’apport majeur de cet arrêt réside dans la reconnaissance explicite par la Cour de cassation du harcèlement discriminatoire comme une forme spécifique de discrimination.
Cette qualification, déjà utilisée par certaines juridictions et par le Défenseur des droits, est désormais consacrée au plus haut niveau judiciaire.
Elle offre une meilleure protection aux salariés victimes, en leur permettant de revendiquer la nullité des actes discriminatoires [1] et en assujettissant ces situations au régime probatoire avantageux de la discrimination.
Enfin, cet arrêt s’inscrit dans une lignée jurisprudentielle visant à renforcer la protection des salariés contre des discriminations indirectes ou insidieuses, notamment en rappelant que le harcèlement discriminatoire est assimilé à une discrimination.
Employeurs et juges doivent être vigilants quant aux indices, même implicites, de comportements contraires aux droits fondamentaux.
Cette jurisprudence s’aligne sur les exigences du droit européen, notamment la directive 2000/43, et renforce l’idée que la dignité et l’égalité de traitement sur le lieu de travail sont des principes fondamentaux à protéger.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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