Harcèlement discriminatoire et discrimination salariale (banque) : une banque condamnée à payer à un représentant du personnel 45 000 euros (CA Paris 27/03/24)

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Le salarié obtient 30 000 euros pour préjudice économique du fait de la discrimination.

Il obtient 10.000 euros au titre du préjudice moral résultant de la discrimination et 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement discriminatoire.

2.1) Sur les demandes au titre de la discrimination syndicale

Définie à l’article L. 2141-5 du code du travail, la discrimination syndicale est le fait pour l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de recrutement, de conduite et de répartition du travail, de formation professionnelle, d’avancement, de rémunération et d’octroi d’avantages sociaux, de mesure de discipline et de rupture du contrat de travail.

Conformément à l’article L. 1134-1 de ce code, il appartient dans un premier temps au salarié syndicaliste qui se prétend victime d’une discrimination de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une atteinte au principe d’égalité de traitement puis, dans un second temps, à l’employeur d’établir que la disparité de situation constatée est justifiée par des critères objectifs, étrangers à toute discrimination fondée sur l’appartenance à un syndicat.

Monsieur X expose qu’à partir de son élection au mois de juin 2013, il a subi une discrimination syndicale, prenant la forme d’attributions d’augmentations individuelles à un rythme inférieur aux autres salariés, de la stagnation de sa rémunération variable, et de l’absence de promotion au niveau hiérarchique supérieur.

- Il fait valoir qu’entre 2013 et 2023 son salaire n’a augmenté que de 19,50 %, quand il avait augmenté de 30% entre 2006 et 2012.

Il ressort des pièces produites qu’entre 2006 et 2013, la rémunération de monsieur X est passée de 47.826 euros à 62.273 euros, soit une augmentation de 30,2 % au total, soit encore une augmentation de 4,3% par an. Entre 2013 et 2023, la rémunération fixe annuelle de monsieur X est passée de 62.273 euros à 74.400 euros, soit une augmentation totale de 19,47 %, soit encore une augmentation annuelle de 1,9%.

Toutefois, la Cour observe que le ralentissement observé n’a en réalité pas débuté avec l’élection de monsieur X, dès lors qu’entre 2010 et 2013, son salaire n’avait augmenté que 1,91%, soit 0,6% par an. Ainsi, le tassement des niveaux de rémunération avait été sensiblement plus marqué durant les années ayant précédé l’élection de monsieur X que durant les années qui l’ont suivie.

- Monsieur X soutient par ailleurs que son niveau de rémunération est inférieure à celui des salariés du niveau J auquel il appartient. Toutefois, la cour observe que si au moment de son élection, son niveau de rémunération était inférieur de 7,5% à celui des salariés de sa catégorie, il n’a cessé d’augmenter en proportion de cette catégorie, pour finir en 2023 à être supérieur de près de 3,9% à sa catégorie. Ainsi, au cours de son mandat, son niveau de rémunération au sein de sa catégorie a très substantiellement progressé, ce qui ne peut manifestement pas caractériser une discrimination.

- Monsieur X se fonde également sur le fait que sur une échelle de classification de B à K, il stagne au niveau J depuis 2006, et que son employeur ne l’a jamais fait bénéficier du niveau K.

Toutefois, le passage d’un échelon à l’autre ne dépend pas de l’ancienneté, mais des fonctions effectivement exercées par le salarié. C’est donc en vain qu’il se prévaut de l’ancienneté moyenne des salariés de niveau K, dès lors qu’il ne prétend pas, et encore moins ne justifie, que les fonctions qu’il exerçait au sein de la banque correspondaient à ce niveau de responsabilité.

Il ressort des pièces produites et des définitions conventionnelles que les fonctions de chargé d’étude dans la banque correspondent au niveau J. Le niveau K qui concerne notamment “la réalisation des objectifs d'une unité opérationnelle dont la taille et la complexité imposent une délégation d'autorité sur les personnels qui lui sont rattachés ; la participation à l'élaboration de la politique d'une grande fonction, en raison de la contribution au processus de préparation et d'approbation des décisions prises ; l'exercice d'une fonction d'expert” correspond à des niveaux de responsabilité très importants, qui ne sont pas ceux des chargés d’étude. L’employeur produit à cet égard un tableau récapitulatif qui permet de constater que la quasi-totalité des chargés d’étude de la banque sont au niveau J.

- Monsieur X se fonde par ailleurs sur la comparaison avec un panel de salariés recrutés la même année qui lui, avec un niveau d’étude et une qualification comparable. Ce panel a été réalisé à la demande de l’inspection du travail. Toutefois, la comparaison effectuée se fonde sur la totalité de la carrière des salariés du panel, pour arriver à la conclusion que 85% des salariés du panel sont positionnés au-dessus de lui. Il ne s’agit toutefois pas d’une comparaison utile pour établir une discrimination, dès lors que les schémas fournis permettent de constater qu’en 2013, date de son élection, monsieur X se situait déjà dans les 15% des salariés du panel dont la classification était la moins élevée. Ainsi la situation préexistait à l’engagement syndical du salarié, et elle ne peut donc laisser supposer l’existence d’une discrimination syndicale.

De la même manière, s’il est établi que monsieur X perçoit une rémunération variable très sensiblement inférieure à celle du panel, force est de constater que cette situation était déjà présente dans les mêmes proportions avant son élection, et n’est donc pas à mettre en lien avec une discrimination syndicale.

- Monsieur X expose encore que depuis 2018, il fait part chaque année à son employeur de son souhait d’évolution professionnelle au sein de l’entreprise, qu’il a participé à des forum métiers, postulé à 13 postes dans le cadre des bourses d’emploi, mais qu’aucune de ses démarches n’a abouti avant le mois d’août 2023, date de la fin de ses mandats. Il souligne qu’il ressort des réponses qui ont été faites que ses heures de délégation, représentant environ 60 heures par mois, avaient constitué un frein important à sa mobilité, ses interlocuteurs lui indiquant systématiquement que sa présence sur les postes sollicités devrait être d’au moins 70%, ce qui était incompatible avec l’exercice de ses différents mandats.

Le fait qu’il ne soit pas donné suite durant cinq années à des demandes de mobilité interne, validée par sa hiérarchie, pour un salarié n’ayant bénéficié d’aucune mobilité depuis 2015, laisse présumer l’existence d’une discrimination syndicale.

En réponse, la Banque Y fait valoir que le salarié est insuffisamment pro-actif dans la recherche d’une mobilité interne, raison pour laquelle elle n’a pas abouti.

La cour constate que bien que le salarié ait exprimé à partir de l’année 2021, date à laquelle il n’avait pas évolué depuis 5 ans, le fait qu’il avait le sentiment de se trouver dans une impasse, aucune proposition ne lui a été faite. Au sein même de la société, il ne peut lui être demandé d’être seul à l’initiative des mouvements internes, alors que sans intervention de l’employeur, les heures de délégation liées à son engagement syndical disqualifient nécessairement ses candidatures auprès des chefs de service.

 

Au regard de ce blocage de carrière depuis 2018, la cour retient donc que monsieur X a subi une discrimination syndicale.

Son préjudice économique sera évalué à 30.000 euros, la cour ne retenant pas le calcul issu de la méthode Clerc en raison des motivations qui précèdent, mais estimant qu’une mobilité à partir de la demande qu’il en a fait en 2018 aurait pu conduire à une augmentation de sa rémunération de l’ordre de 6.000 euros par an.

Cette discrimination syndicale lui a par ailleurs causé un préjudice moral justifiant l’octroi de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

2.3) Sur la demande au titre du harcèlement discriminatoire et l’obligation de Prévention

Monsieur X, pour caractériser les faits de harcèlement discriminatoire, se réfère aux éléments précédemment évoqués, dont la cour n’a retenu que pour le blocage de carrière depuis 2018 le caractère discriminatoire.

En ce qui concerne l’accident du travail de 2015, cette qualification a été retenue par la cour d’appel qui a constaté qu’il avait subi une situation de stress important peu après une réunion ; un traitement par anti-dépresseurs a suivi.

Ces éléments permettent de caractériser le harcèlement discriminatoire invoqué, de sorte qu’il sera fait droit à la demande de dommages et intérêts de ce chef à hauteur de 5.000 euros.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous :

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/discrimination-salariale-banque-representant-personnel-36062.htm

Monsieur X en revanche n’indique pas en quoi l’employeur aurait manqué à son obligation de prévention, de sorte qu’il ne sera pas fait droit à la demande de dommages et intérêts de ce chef.

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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