
Discrimination (société de production) - licenciement d’un Directeur de production de Walter Films à son retour d’un arrêt de travail de 28 mois = licenciement discriminatoire donc nul (CA Paris 13 fév. 2025)
Un directeur de production annonce son retour au sein de la société Walter Films après un arrêt de travail de 28 mois.
La société de production Walter Films le convoque à un entretien de licenciement quelque semaine plus tard.
Le salarié est déclaré apte. Il sera licencié pour absence qui désorganise l’entreprise.
Dans un arrêt du 13 février 2025, La Cour d’appel de Paris juge le licenciement discriminatoire et donc nul et octroie au Directeur de production 50 000 euros à titre de dommages intérêts.
Le forfait jours du directeur de production est jugé privé d’effet du fait de l’absence de contrôle de sa charge de travail liée au forfait jours. Le Directeur de production obtient également 1 132, 29 euros bruts à titre de rappel d'heures supplémentaires et 113, 23 euros au titre des congés payés afférents, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale quotidienne de travail, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect de la durée maximale hebdomadaire de travail, 500 euros à titre de dommages-intérêts pour non-respect du temps de repos quotidien.
1) RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. X a été engagé par la société Walter films par des contrats à durée déterminée à compter du 10 mars 2009 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 1er avril 2012, en qualité de directeur post-production.
Il était soumis à une convention de forfait individuelle en jours.
Il percevait un salaire mensuel brut de 5 700 euros.
La relation de travail était soumise à la convention collective nationale de la production audiovisuelle du 13 décembre 2006.
M. X a été placé en arrêt de travail pour maladie du 15 mai 2017 au 11 octobre 2019.
Il a été reconnu apte à la reprise du travail le 14 octobre 2019.
Par lettre du 4 octobre 2019, M. X était convoqué pour le 14 octobre suivant à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 17 octobre 2019 pour absence prolongée ayant nécessité son remplacement pour éviter de graves dysfonctionnements préjudiciables à l'entreprise.
Le 19 décembre 2019, M. X a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.
Par jugement du 20 janvier 2022, le conseil de prud'hommes de Paris a :
- condamné la société Walter films à verser à M. X les sommes suivantes :
-1 722,29 euros à titre de rappel de salaires pour les heures supplémentaires effectuées entre le 19 décembre 2016 et mai 2017 ;
-172,23 euros à titre de congés payés afférents ;avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ;
- rappelé qu'en vertu de l'article R. 1454-28 du code du travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et fixé cette moyenne à la somme de 5 700 euros.
-17 100 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ; avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement ;
-1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ordonné à Walter Films le remboursement à Pôle emploi des indemnités chômage
perçues par M. X dans la limite d'un mois d'allocation ;
- débouté M. X du surplus de ses demandes ;
- débouté Walter Films de sa demande reconventionnelle ;
- condamné Walter Films aux dépens.
Par déclaration adressée au greffe le 18 février 2022, M. X a interjeté appel du jugement
en visant expressément les dispositions critiquées.
2) MOTIFS
2.1) Sur la demande de nullité du licenciement
L'absence prolongée du salarié pour raisons de santé d'origine non professionnelle autorise son licenciement lorsqu'elle perturbe le bon fonctionnement de l'entreprise et rend nécessaire son remplacement définitif Si ces conditions ne sont pas remplies, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.
La réalité et le sérieux du motif du licenciement s'apprécient au jour où la décision de rompre le contrat de travail est prise par l'employeur.
Il est constant que la lettre de licenciement, motivée par les perturbations de fonctionnement de l'entreprise causées par l'absence prolongée du salariée et son remplacement définitif au début de l'année 2019, est datée du 17 octobre 2019. Or, à cette date, M. X n'était plus placé en arrêt de travail pour maladie et avait été déclaré apte à la reprise par le médecin du travail le 14 octobre 2019.
C'est donc à juste titre que le jugement a retenu que le motif de l'absence prolongée ne pouvait constituer une cause réelle et sérieuse du licenciement.
En vertu des articles L.1132-1 et L.1132-4 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié en raison de son état de santé ou de son handicap, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail, et le licenciement prononcé en méconnaissance de ces dispositions est nul de plein droit.
Il résulte de l'article L.1134-1 du code du travail qu'il appartient au salarié qui se prétend lésé par une mesure discriminatoire de présenter au juge des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et il incombe ensuite à l'employeur, s'il conteste le caractère discriminatoire de cette mesure d'établir que sa décision est justifiée par des critères objectifs étrangers à toute discrimination.
Dès lors que le motif du licenciement invoqué tenant aux perturbations du fonctionnement de l'entreprise du fait de l'absence prolongée du salarié pour raisons de santé n'est pas établi, et que M. X produit un courriel qu'il a adressé le 11 septembre 2019 indiquant qu'il devrait pouvoir reprendre le mois suivant, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination.
Il incombe à l'employeur de prouver que sa décision était justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.
L'employeur soutient que le salarié avait annoncé à plusieurs reprises un retour qui ne s'était pas produit et qu'ainsi l'information donnée par le salarié en septembre 2019 d'un prochain retour n'était pas signifiante.
Mais il ressort des pièces produites par l'employeur que l'arrêt de travail de M. X a été plusieurs fois prolongé mais que ce dernier n'avait pas jusque-là fait état d'une date probable de reprise.
L'employeur ajoute qu'il a maintenu le contrat de travail de M. X le plus longtemps possible en maintenant son salaire alors qu'il n'y était pas tenu.
Mais cet élément ne justifie pas la décision de licenciement en octobre 2019 alors que l'employeur indique lui-même qu'il avait pourvu au remplacement définitif de M. X au début de l'année 2019.
Dès lors, l'employeur n'établit pas que le licenciement était justifié par des éléments objectifs étrangers à une discrimination au regard de l'état de santé.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Walter films à payer à M. X la somme de 17 100 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse et le licenciement sera déclaré nul et la société Walter films sera condamnée à payer à M. X la somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul.
Le jugement sera également infirmé et, en application de l'article L.1235-4 dans sa version applicable à la date du licenciement, la société Walter films sera condamnée à rembourser, à l'organisme concerné, le montant des indemnités de chômage éventuellement servies au salarié du jour de son licenciement au jour du prononcé de l'arrêt dans la limite de six mois d'indemnités.
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Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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