CDDU - Audiovisuel - requalification des 29 ans de CDD en CDI à temps complet d’une journaliste de France Télévisions (CPH Paris 6 nov. 2024, départage, non déf.)

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La journaliste de France Télévisions obtient la requalification de ses 29 ans de CDD en CDI à temps complet avec reprise d’ancienneté au 17 avril 1995.

Elle obtient également une indemnité de requalification de CDD en CDI de 10 000 euros et une indemnité de 2 806 euros pour transmission tardive des contrats.

Elle obtient un rappel de salaire pendant les périodes interstitielles de 90.620,88 euros bruts et 9.062,08 euros bruts à titre de congés payés afférents.

Elle est déboutée de sa demande de rappel de salaires pour inégalité de traitement.

La décision n’est pas définitive.

1)      EXPOSE DU LITIGE

Madame X a été engagée par la SA France Télévision en qualité de journaliste reporter d’images à compter du 17 avril 1995 dans le cadre de contrats de travail à durée déterminée de remplacement de salariés absents et d’usage.

 Elle a travaillé au sein de la société France Télévision chaque année depuis 1995, sauf entre 1996 et 1998 et entre 2009 et 2010.

 La relation de travail se poursuit à l’heure actuelle.

 Estimant que celle-ci devait être requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein, Madame X a saisi le conseil de prud’hommes pour solliciter la requalification des contrats de travail à durée déterminer en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 17 avril 1995 en qualité de journaliste spécialisée et subsidiairement, en qualité de journaliste reporter d’images et son intégration sous contrat de travail à durée indéterminée à temps plein au sein du pôle de Rennes de la société France Télévisions moyennant une rémunération annuelle de 38.916 euros et subsidiairement , de 35.284 euros et la condamnation de la société France Télévision à lui payer des rappels de salaire au titre d’une inégalité de traitement et des périodes inter contrats, ainsi qu’une indemnité de requalification.

 Lors de l’audience de départage, Madame X a fait valoir qu’elle avait remplacé des salariés ayant une qualification et un niveau hiérarchique supérieur sans percevoir le salaire correspondant, ce qui constituait une inégalité de traitement. Elle a par ailleurs soutenu que la société France Télévisions ne justifiait pas des motifs de recours aux contrats de travail à durée déterminée conclus entre les parties depuis l’origine de la collaboration et qu’en tout état de cause, elle occupait un emploi relevant de l’activité normale et permanente de la société France Télévisions, de sorte que la relation de travail devait être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée avec une intégration au poste de journaliste spécialisé et subsidiairement, de journaliste reporter d’images, que le contrat devait être en outre considéré à temps plein dès lors que la société France Télévisions n’établissait pas la durée de travail convenue et qu’elle était à la disposition permanente de la société France Télévisions qui était son unique employeur. A titre subsidiaire, elle a sollicité la poursuite de la relation de travail à temps partiel. Elle a exposé les nombreuses candidatures qu’elle avait déposées en vain depuis 2020. Ses demandes sont précisées ci-dessous.

 En défense, la société France Télévisions a sollicité le rejet des demandes. Elle a contesté le fait que Madame X occupait un emploi relevant de son activité normale et permanente et fait valoir que les contrats de travail à durée déterminée étaient réguliers. Elle a également contesté le fait que la salariée se tenait à sa disposition pendant les périodes interstitielles. A titre subsidiaire, elle a sollicité que l’indemnité de requalification soit réduite et que la relation de travail se poursuive dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel aux fonctions de journaliste reporter d’images avec une ancienneté au 27 juillet 2011 et subsidiairement au 1er septembre 2000, à raison de 72 heures mensuelles et pour un salaire de référence de 1.396,65 euros.

 Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience de départage du 13 septembre 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

 Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions déposées par les parties à l’audience de départage du 13 septembre 2024 pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions. 

2) MOTIFS DE LA DECISION

Par jugement du 6 novembre 2024, le Conseil de prud’hommes de Paris, présidé par le juge du départiteur statuant seul après avis des conseilleurs présents, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe.

REQUALIFIE la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein le 17 avril 1995 ;

DIT que le contrat de travail de Madame X en qualité de journaliste reporter d’images se poursuit ;

FIXE le salaire mensuel brut de Madame X à la somme de 2.806 euros ;

CONDAMNE la SA France Télévisions à payer à Madame X les comme de :

·           90.620,88 euros bruts à titre de salaire pour la période du 15 juillet 2019 au 30 juin 2024,

·           9.062,08 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

·           10.000 euros nets à titre de l’indemnité pour transmission tardive de contrats,

·           2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DIT que les condamnations à caractère salarial porteront intérêt aux taux légal à compter de la réception par l’employeur de la convocation en bureau de conciliation et celles à caractère indemnitaire, à compter de la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts ;

RENVOIE les parties à faire leurs comptes sur les bases fixées dans le présent jugement en ce qui concerne le rappel de salaires à compter du 1er juillet 2024, sauf à saisir le conseil de prud’hommes en cas de difficultés, par simple requête ;

ORDONNE la remise à Madame X de bulletins de salaires conformes au présent jugement ;

ORDONNE l’exécution provisoire ;

DEBOUTE Madame X du surplus de ses demandes ;

DEBOUTE la SA France Télévisions de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SA France Télévisions aux entiers dépens.

2.1) Sur la demande de requalification en contrat de travail à durée indéterminée

Le contrat de travail à durée déterminée constitue un contrat d’exception. A cet égard, l’article L1242-2 du code du travail comporte une liste limitative des cas de recours au contrat de travail à durée déterminée.

 L’article L1242-12 du même code dispose que le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif.

 L’indication du motif constitution une formalité substantielle dont le défaut est sanctionné au même titre que l’absence d’écrit, c’est-à-dire par la requalification en contrat à durée indéterminée. En outre, l’indication du motif de recours dans le CDD ne dispense pas l’employeur de rapporter la preuve qui lui incombe de la réalité de ce motif. A défaut, le contrat doit être requalifié en CDI.

 En l’espèce, il est constant que Madame X a été engagée par contrat de travail à durée déterminée à compter du 17 avril 1995.

 Si la salariée produit les bulletins de salaire portant sur la période du 17 au 30 avril 1995, la société France Télévision ne produit pas le contrat de travail relatif à cette période.

 Ainsi, l’employeur ne justifie ni de l’existence d’un contrat de travail écrit ni du motif du recours au contrat de travail à durée déterminée à cette date.

 En conséquence, le contrat de travail doit être requalifié en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 17 avril 1995 sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués par les parties au titre de la demande de requalification.

 2.2) Sur la demande de requalification en contrat de travail à temps plein

 La requalification d’un contrat de travail à durée déterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail.

 Les dispositions propres à la durée et la rémunération sont déterminées au sein de chaque des CDD conclu entre les parties.

 En application de l’article L3123-6 du code du travail, le contrat de travail des salariés à temps partiel doit être écrit. En outre, le contrat doit impérativement mentionner la qualification du salarié, les éléments de la rémunération et la durée exacte de travail hebdomadaire, mensuelle, pluri-hebdomadaire ou annuelle prévue.

 En l’absence de contrat écrit, à défaut de fixation d’une durée exacte de travail, ou lorsque la répartition du temps de travail n’est pas précisée, le contrat est présumé à temps complet. Il ne s’agit toutefois que d’une présomption simple. Pour échapper à la requalification en temps plein, l’employeur doit prouver, d’une part, la durée exacte de travail mensuelle ou hebdomadaire convenue et sa répartition et d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’entreprise.

 En l’espèce, les contrats de travail à durée déterminée produits aux débats par la requérante n’indiquent pas que Madame X est embauchée à temps partiel, le formalisme prévu par l’article L3123-6 du code du travail n’étant au demeurant pas respecté. La salariée était embauchée pour un nombre de jours, indiqués sur la période du contrat. Les contrats signés au cours des dernières années de la relation de travail comportent un article « Durée du travail » qui prévoit « la durée du travail est fixée à 35 heures en moyenne par semaine ».

 Par conséquent, il convient de requalifier les contrats de travail à durée déterminée conclus entre les parties à compter du 17 avril 1995 en contrat de travail à durée indéterminée à temps plein.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous.

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/journaliste-requalification-temps-complet-journaliste-36361.htm

 

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

e-mail: chhum@chhum-avocats.com

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