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Harcèlement moral institutionnel : la Cour de cassation reconnaît la responsabilité des dirigeants d’entreprise de France Télécom (cass. crim. 21 janvier 2025 n° 22-87.145)
-Dans un arrêt historique du 21 janvier 2025 (n° 22-87.145) publié au bulletin, rendu à l’occasion de l’affaire emblématique de France Télécom (devenue Orange), la Chambre criminelle de la Cour de cassation s’est prononcée sur la notion de harcèlement moral institutionnel et sur les principes fondamentaux de la prévisibilité et de la légalité en droit pénal.
En l’occurrence, elle a confirmé la responsabilité pénale des dirigeants de l’entreprise ayant mis en place des politiques managériales délétères, créant un environnement anxiogène et une dégradation des conditions de travail des salariés.
Si cette décision confirme que les responsabilités managériales doivent être exercées dans le respect des droits des salariés, elle soulève également des interrogations quant à l’articulation entre le pouvoir de direction et la responsabilité pénale.
Cette décision doit être approuvée.
III. Solution.
La Cour de cassation, dans son arrêt du 21 janvier 2025, a validé la condamnation des dirigeants de France Télécom pour harcèlement moral institutionnel.
Selon la haute juridiction, l’atteinte à la dignité des salariés par une politique d’entreprise dégradant délibérément leurs conditions de travail, dans le but d’atteindre des objectifs économiques ou financiers, constitue bien une forme de harcèlement moral.
Ainsi, la Cour de cassation rejette les arguments du pourvoi et considère que le "harcèlement moral institutionnel" est bien une forme de harcèlement moral au travail, au sens de l’article 222-33-2 du Code pénal.
La cour souligne que la loi pénale ne précise pas que le harcèlement doit viser une victime particulière ou qu’il doit résulter d’une relation interpersonnelle directe. Dès lors, les dirigeants peuvent être tenus responsables pénalement pour des actions ne concernant pas des relations directes entre supérieur et subordonné, il suffit que l’agissement, pris collectivement, résulte d’une politique générale d’entreprise. De ce fait, la dégradation des conditions de travail de tout ou partie des salariés peut être qualifiée de harcèlement moral, même sans qu’il y ait une victime désignée.
De plus, la Cour juge que cette interprétation n’était pas imprévisible, en vertu de l’article 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, car la notion de harcèlement moral institutionnel était implicitement contenue dans le cadre légal existant, même si elle n’avait pas encore été formellement reconnue. Les condamnations des dirigeants sont donc confirmées.
IV. Analyse.
Cet arrêt marque une avancée significative dans la reconnaissance du harcèlement moral institutionnel et constitue un avertissement pour les entreprises : la mise en place de réorganisations et de stratégies économiques, même légitimes, doit impérativement prendre en compte les impacts humains et psychologiques sur les salariés.
La Cour souligne ainsi la responsabilité pénale des dirigeants, tout en réaffirmant que la gestion des ressources humaines, au-delà des objectifs financiers, ne doit pas sacrifier le bien-être des employés.
La Cour de cassation, en confirmant cette position, trace une ligne claire sur la responsabilité des dirigeants d’entreprise.
Ainsi, cet arrêt s’inscrit dans un contexte plus large de renforcement des droits des travailleurs et de l’égalité en milieu de travail, en affirmant que la mise en place de conditions de travail destructrices ne saurait être excusée par une simple défaillance dans la gestion des ressources humaines.
Enfin, cette décision apporte une clarification essentielle concernant l’application du droit pénal face à des cas de harcèlement moral systématique dans le cadre du management d’entreprise, et marque une évolution dans la manière de comprendre les responsabilités pénales.
Cette jurisprudence doit être approuvée comme une réponse adaptée aux nouvelles formes de souffrance au travail.
Dans tous les cas, la question reste posée de savoir si le législateur devra intervenir pour encadrer cette notion et offrir un cadre légal clair.
En attendant, les juges du fond auront une responsabilité particulière dans la mise en œuvre de cette jurisprudence novatrice.
Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous
Source.
Cass. crim. 21 janvier 2025, n° 22-87.145
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
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