Harcèlement moral, discrimination salariale, traitement discriminatoire, licenciement nul : une responsable comptable de Re:source France (Groupe Publicis) obtient 87 000 en appel

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Dans un arrêt très motivé (19 pages) du 11 mai 2023 de la Cour d’appel de Paris (Pole 6 chambre 5) une responsable comptable de Re:sources (Publicis) obtient en appel 87 000 euros au total pour discrimination salariale, traitement discriminatoire, défaut de mise en œuvre régulière de la prévoyance, violation de l’obligation de sécurité, harcèlement moral, licenciement nul.

L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 mai 2023 est définif, les parties ne se sont pas pourvues en cassation.

1) Sur le harcèlement moral :

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent présumer l’existence d’un harcèlement moral et dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

Mme X soutient que pendant plus de huit ans elle a subi des agissements de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie consécutifs à ses problèmes de santé et matérialisés par les actes suivants :

- blocage de ce de l’évolution de sa rémunération,

- refus d’adaptation de son poste de travail conformément aux préconisations du médecin du travail,

- charge de travail et mission incompatibles avec la préservation de son état de santé,

- absence de prise en compte de ses alertes,

- refus de régulariser un avenant de passage à temps partiel déterminant les dates et jours de travail et les bulletins de paie,

- refus injustifié de ses demandes de mobilité interne,

- comportement humiliant et dégradant de M. D,

- affichage dans les locaux d’un procès-verbal de réunion de comité d’entreprise diffamante et l’accusant d’abus de droit,

- refus de lui accorder une journée de télétravail et retrait de son matériel informatique portable,

- exclusion du petit-déjeuner trimestriel du service de comptabilité générale.

Le blocage de l’évolution de la rémunération, le refus d’adapter le poste de travail conformément aux préconisations du médecin du travail, la charge de travail incompatible avec la préservation de l’état de santé, l’absence de prise en compte des alertes et le refus injustifié d’une demande de mobilité interne de Mme X ont été considérés comme établis par la cour comme il a été vu précédemment.

S’agissant du refus d’établir un avenant au contrat de travail consacrant le temps partiel thérapeutique de Mme X, celle-ci indique avoir obtenu, plus de quatre ans après sa mise en invalidité, un rendez-vous avec le responsable de la paie pour régulariser la situation au regard de ses bulletins de paie qui ne faisaient pas apparaître la somme perçue au titre de la sécurité sociale. Elle indique que lui a été soumise une proposition d’avenant faisant mention de façon erronée qu’elle travaillait à mi-temps depuis le 9 novembre 2016.

Enfin, elle s’appuie sur un courriel de sa part du 29 juin 2017 faisant état du désaccord sur la date de début du passage à temps partiel et d’une proposition d’avenant régularisé à laquelle aucune suite n’était donnée.

Les faits sont donc matériellement établis.

Sur le comportement humiliant de M. D, Mme X fait valoir qu’à partir de 2016 lorsque M. D est devenu son supérieur direct et jusqu’en 2018, elle n’a plus eu d’entretiens annuels d’évaluation, que celui-ci se montrait très intrusif et lui demandait plusieurs fois par jour où elle en était que lorsqu’elle lui a remis des documents le 22 mars 2018 pour relecture et validation il a ouvert le dossier et le lui a jeté en disant “c’est déjà fait”. Elle explique qu’elle en a ressenti un choc et a été hospitalisée dès le lendemain. La cour observe qu’aucun élément matériel ne vient établir les allégations de la salariée relative au comportement humiliant de M. D à son égard mais que cependant il n’est pas justifié des entretiens d’évaluation pour 2016 et 2017

Sur l’affichage dans les locaux d’un procès-verbal de réunion du comité d’entreprise l’accusant d’abus de droit, Mme X fait valoir que le 20 septembre 2016, à la suite de son entretien, elle a été contactée par M. L et qu’une réunion s’est tenue en présence de Mme P qui a attesté de ce que M. L avait indiqué que les enquêtes diligentées par le CHSCT n’aboutissaient jamais en faveur de la personne harcelée, qu’il avait dit qu’il était conscient du harcèlement que subissait Mme X et qu’il lui a indiqué qu’il valait mieux qu’elle annule la demande d’enquête qu’elle avait faite, lui proposant d’organiser une nouvelle réunion avec un médiateur ce qu’elle avait accepté.

Elle explique qu’elle a dû être hospitalisée pendant deux semaines et qu’à son retour le 18 novembre 2016, elle a été avisée qu’un procès-verbal d’une réunion avait été affiché à tous les étages et que son nom y été expressément cité dans des conditions diffamatoires. Elle verse aux débats la note que lui a remise l’employeur faisant état de ce que le CHSCT refusait de diligenter une enquête et l’attestation de Mme P.

Sur l’exclusion du petit-déjeuner trimestriel du service de comptabilité générale

Mme X fait valoir que cette rencontre programmée le 12 février 2018 a été décalée au lendemain, jour non travaillé pour elle, de sorte qu’elle n’a pu y assister et verse aux débats le mail de M. D du 8 février 2018 annonçant cette modification.

Ces faits pris dans leur ensemble laissent présumer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l’employeur de démontrer qu’ils sont justifiés par des éléments objectifs qui sont étrangers.

Pour le blocage de l’évolution de sa rémunération, le refus d’adaptation de son poste de travail conformément aux préconisations du médecin du travail, la charge de travail et les missions incompatibles avec la préservation de son état de santé, l’absence de prise en compte de ses alertes, la cour a retenu que l’employeur n’était pas en mesure de justifier que les faits étaient justifiés par des éléments étrangers à toute discrimination et il ne démontre pas davantage qu’ils sont étrangers aux agissements de harcèlement moral dénoncés.

Pour le refus de régulariser un avenant de passage à temps partiel déterminant les dates et jours de travail et la régularisation des bulletins de paie, l’employeur fait valoir que Mme X a bien poursuivi son activité dans le cadre d’un temps partiel mais que sa rémunération a été maintenue sur la base d’un temps plein pour la période 2011 à 2016 de sorte que l’absence de régularisation d’un contrat de travail écrit à temps partiel ne lui a pas porté préjudice.

La cour relève toutefois que l’employeur ne justifie pas des raisons objectives pour lesquelles la situation de Mme X n’a pas été régularisée.

Sur le refus injustifié de la seconde demande de mobilité interne, la cour a relevé précédemment que l’employeur n’était pas en mesure de justifier des raisons objectives pour lesquelles la mobilité interne de Mme X a été refusée.

Sur le comportement humiliant et dégradant de M. D, la cour considère que si ces faits ne sont pas matériellement établis, il n’en demeure pas moins que l’employeur n’est pas en mesure de justifier pour quelles raisons objectives étrangères à tout élément de harcèlement Mme X n’a pas été évaluée entre 2016 et 2018.

Sur l’affichage dans les locaux d’un procès-verbal de réunion de comité d’entreprise diffamante et l’accusant d’abus de droit, l’employeur fait valoir que le comité d’entreprise a décidé de lui-même de ne pas poursuivre d’enquête à la suite de l’alerte effectuée par Mme X sur le harcèlement moral en parlant d’abus de droit dans son procès-verbal, que les membres du CHSCT ont décidé à l’unanimité de ne pas poursuivre l’enquête et que cet avis a été partagé par les membres du comité d’entreprise , ainsi que cela ressort des procès-verbaux communiqués et que le procès-verbal de la réunion du comité d’entreprise du 14 septembre 2016 a été affiché par le secrétaire du comité d’entreprise le 18 novembre 2016 avant qu’il n’y substitue le même procès-verbal anonymisé à la suite de la réaction de plusieurs salariés.

L’employeur justifie ainsi l’affichage par des éléments extérieurs, étrangers à tout agissements de harcèlement moral.

Sur le refus de lui accorder une journée de télétravail et le retrait de son matériel informatique portable, l’employeur fait valoir que les missions de Mme X étaient incompatibles avec le télétravail en raison de l’amélioration de l’efficience de la fonction comptable avec une meilleure gestion des absences et des remplacements et une gestion plus efficace de l’évolution des nombreux applicatifs acceptables.

Il soutient que la mise en place du télétravail aurait entraîné un véritable risque pour la sécurité des données financières alors que le travail sur site permettait une plus grande garantie et que la charte du télétravail au sein du groupe Publicis prévoit que sont notamment éligibles les salariés en capacité d’organiser par eux-mêmes leur activité en télétravail et dont le temps de travail est supérieur ou égal à 80 %. S’agissant du matériel informatique nécessaire pour l’accès à distance il a été retiré Mme X car son accès à distance a été supprimé.

L’employeur ne justifie cependant pas ainsi par des éléments objectifs à tout élément de harcèlement moral pourquoi le matériel informatique et la possibilité d’exercer en télétravail a été supprimée à Mme X alors qu’elle en bénéficiait depuis plusieurs années et que le médecin du travail le préconisait.

Sur l’exclusion du petit-déjeuner trimestriel du service de comptabilité générale, la cour observe que l’employeur n’apporte aucune explication des motifs de ce changement de sorte qu’il n’établit pas que le décalage du petit-déjeuner est justifié par des éléments objectifs étrangers à tout agissements de harcèlement moral.

En définitive, il résulte de ce qui précède que l’employeur échoue à démontrer que tous les faits matériellement établis par la salariée qui pris dans leur ensemble laissaient supposer des agissements de harcèlement moral étaient en réalité justifiés par des éléments objectifs qui y étaient étrangers. Dès lors le harcèlement moral est caractérisé.

Pour lire l’intégralité de la brève, cliquez sur le lien ci-dessous

https://www.legavox.fr/blog/frederic-chhum-avocats/discrimination-salariale-traitement-discriminatoire-harcelement-34726.htm

Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)

CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)

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