Requalification des CDD en CDI d’un directeur de production/ Régisseur d’une société de Production de spectacles / Tourneur ( CA Versailles, 11 ch. 12 nov. 2015)

Considérant que la société SLO, dont le gérant est monsieur Z, a pour activité la promotion, la réalisation, l’achat, la vente, la production et la distribution de spectacles.

 Considérant que Monsieur X a exécuté des travaux pour la société SLO dans le cadre des spectacles dont elle s’occupait.

La convention collective applicable au sein de l’entreprise est celle de la branche de la chanson, variétés, jazz, musiques actuelles du 30 avril 2003.

1/ Sur le contrat de travail

Les articles L.1242-1 et 2 du code du travail permettent de recourir à des contrats de travail à durée déterminée dans certains secteurs d’activité, dès lors qu’il s’agit d’un emploi de nature temporaire et qu’il ne s’agit pas d’un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Le contrat de travail doit être écrit et signé par le salarié en application des articles L 1242-12 du code du travail.

Si des contrats à durée déterminée d’usage successifs peuvent être conclus, l’article L 1242-12 du code du travail exige qu’ils mentionnent la date du terme ou une durée minimale lorsqu’ils ne comportent pas de termes précis.

En l’espèce, des contrats de travail liant Monsieur X à la société SLO sont produits pour la période comprise entre le 5 septembre 2011 et le 20 décembre 2012

Dans le cadre de ses fonctions, Monsieur X était chargé de l’encadrement et de la coordination des équipes, des relations entre les équipes techniques, l’artiste, la production et les équipes extérieures.

Qu’outre le spectacle de l’artiste Liane Folly, monsieur X a travaillé pour les spectacles d’autres artistes.

Que chacun des contrats mentionne soit les dates précises des représentations pour lesquelles il doit travailler soit une période d’activité globale pour laquelle il devait percevoir un cachet par représentation.

La société SLO a remis des bulletins de salaire à Monsieur X pour les périodes des :

- 3,4,5,6,18,19,20 et 21 octobre 2011 pour la préparation du spectacle André -Philippe Gagnon,

-24,25 et 26 octobre 2011, soit pour l’entreprise SLO,

-23 et 24 novembre 2011 pour la préparation  du spectacle d’André -Philippe Gagnon,

- 2,9,16 et 19 novembre 2011 pour la préparation du spectacle de Liane Foly,

- 28 et 29 novembre 2011 pour la préparation du spectacle de Marcel Amont,

- 1 et 2 décembre 2011 pour la préparation du spectacle de Catherine Laborde, - 8 décembre 2011  pour la préparation du spectacle de Liane Foly,

- 5,6,7 et 12 décembre 2011 pour la préparation  du spectacle d’André -Philippe Gagnon,

- 13,14,19 et 20 décembre 2011 pour la préparation du spectacle de Barbara,

- 5 et16 décembre 2011 pour la préparation du spectacle de Marcel Amont,

- 21,22,23 et 26 décembre 2011 pour l’entreprise SLO, Considérant qu’il s’ensuit que Monsieur X a travaillé 36 jours sans contrat écrit.

La société SLO se prévaut d’un courriel du 6 novembre 2012 dans lequel Monsieur X lui demande la transmission de son CDD du 13 septembre 2011 qu’il qualifie de “global”.

Néanmoins que ce contrat ne pouvait concerner l’ensemble des 36 jours puisqu’il était conclu pour deux représentations du spectacle de Liane Foly des 16 et 17 septembre 2011 à Toulouse ; qu’il envisageait en outre la possibilité d’une exploitation complémentaire par avenant proposée au plus tard le 22 septembre 2011 ; Qu’il ne s’agit pas d’un contrat global.

La société SLO renvoie la responsabilité de l’absence de rédaction des contrats sur Monsieur X en affirmant qu’il entrait dans le cadre de ses fonctions d’établir les contrats de travail.

Considérant toutefois qu’il ressort des courriels envoyés par monsieur Y à Monsieur X que ce dernier ne rédigeait pas les contrats de travail.

Considérant enfin que la société SLO ne produit aucun contrat de travail à durée déterminée pour les dates litigieuses ; qu’en tout état de cause  le doute doit profiter au salarié.

Le jugement du conseil de prud’hommes sera infirmé pour avoir rejeté la demande de requalification des contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée.

La relation contractuelle entre Monsieur X et la société SLO sera requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée depuis le 3 octobre 2011.

2/ Sur la rupture du 20 octobre 2012

Il est constant que Monsieur X n’a plus travaillé pour la société SLO à compter  du 20 octobre 2012 ; Considérant que les parties analysent les faits différemment.

Il convient de les re situer dans leur contexte chronologique tel que celui -ci ressort des pièces comportant une date qui sont versées aux débats ;

Le 2 octobre 2012, Monsieur X a transféré  à monsieur Z pour avis le courriel qu’il envisageait d’adresser à son équipe pour lui annoncer qu’il renonçait à s’occuper du spectacle “Barbara” à cause d’ “un changement de planning personnel” et pour lui transmettre des informations pratiques.

Que le 9 octobre 2012, Monsieur X a transmis les feuilles de route pour le spectacle de liane Folly à V illeparisis mentionnant sous son nom celui de monsieur C..

Le 18 octobre 2012 , un avenant au contrat d’engagement à durée déterminée de technicien en tournée a été signé.

Il était prévu que Monsieur X intervenait comme régisseur général pour des représentations du spectacle “la folle part en cure” de Liane Folly donné les 18, 19 et 21 octobre 2012.

Qu’il ressort de l’attestation de  monsieur C. du 7 février 2013 que monsieur Z, directeur de SLO PRODUCTION, a annoncé le 20 octobre 2012 à Villeparisis que monsieur X ne serait plus, à compter du même jour, le régisseur général du spectacle “la folle part en cure” pour incompatibilité d’humeur avec l’artiste Liane FOLY.

Suivant le bulletin de paie du 21 octobre 2012, monsieur V. a travaillé pour la société SLO comme régisseur général pour le spectacle de Liane Folly.

Par courriel du 22 octobre 2012, Monsieur X a écrit à monsieur R. pour lui demander de le payer et de lui remettre le plus tôt possible sa fiche de paie car il voulait annoncer à la même occasion qu’il ne faisait plus partie du spectacle de Barbara et qu’il “stoppait SLO”.

Que le même jour, monsieur C. a écrit un courriel à monsieur Z pour se plaindre du fait qu’il devait intervenir à cinq dates mais que ses interventions ayant été réduites à une seule, il éprouvait des difficultés pour amortir ses frais de transport.

Que le 5 novembre 2012, monsieur R. a interrogé Monsieur X sur des contrats en précisant qu’il ne l’avait pas vu les 18,19,20 et 21 octobre.

Que le 6 novembre 2012, Monsieur X a répondu qu’il envoyait les contrats et les notes de frais en même temps qu’il a réclamé la remise du contrat global qu’il aurait signé le 13 septembre 2011 car c’était le seul qui lui manquait.

Considérant en conséquence que la décision de Monsieur X de ne plus participer au spectacle de Barbara n’a pas été suivie par la rupture des relations contractuelles puisque la société SLO lui a proposé de signer un nouvel avenant.

Que monsieur Z a pris l’initiative d’annoncer le départ de Monsieur X et que Monsieur X a manifesté sa volonté explicite de ne plus travailler pour la société SLO postérieurement.

Considérant dès lors que le conseil de prud’hommes a constaté à juste titre que  la rupture anticipée du contrat de travail était imputable à la société SLO.

Considérant que le contrat de travail ayant été requalifié en contrat à durée indéterminée, la rupture du 20 octobre 2012 qui n’a respecté aucune forme, s’analyse en un licenciement abusif.

3/ Sur la rémunération moyenne de Monsieur X

La rémunération moyenne mensuelle de Monsieur X s’élève à 2 477 euros bruts ;

4/ Sur les conséquences pécunaires

4.1/ Indemnité de requalification

En application de l’article L 1245-2 du code du travail, il sera fait droit à la demande d’indemnité de requalification à hauteur de 2.500 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

4.2/ Rappel de salaires

Considérant que le salarié aurait dû travailler entre le 21 octobre 2012 et le 31 décembre 2012 conformément au contrat de travail écrit  du 30 juin 2012.

Que le jugement du conseil de prud’hommes sera confirmé en ce qu’il a condamné la société SLO à lui verser la somme de 7 100 euros à titre de dommages et intérêts, ladite somme correspondant aux 17 jours de travail dont il a été privé.

4.3/ Indemnité de préavis

Considérant que du fait de son licenciement, Monsieur X pouvait prétendre à un  préavis d’un mois.

Ses héritiers sont fondés à réclamer la somme de 2 477 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés incidents à hauteur de 247,70 euros bruts.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

4.4/ Indemnité de licenciement

Monsieur X avait une ancienneté d’un  an et quatre mois ; Qu’il sera fait droit à la demande en paiement d’une indemnité conventionnelle de licenciement de 495 euros.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

4.5/ Dommages intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement

 Considérant que l’employeur n’a pas respecté les dispositions de l’article L 1232-6 du code du travail qui lui faisaient obligation de notifier le licenciement au salarié par lettre recommandée avec avis de réception et d’énoncer les motifs du licenciement dans cette lettre.

Considérant que la somme de 10.000 euros réclamée par les ayants-droit à titre de dommages et intérêts est sur évaluée ;

Que faute d’avoir reçu une lettre de licenciement, Monsieur X a été privé de la possibilité de faire valoir ses droits ; Qu’il y a lieu de réduire à la somme de 2 500 euros le montant des dommages et intérêts demandés; que le jugement sera infirmé de ce chef.

4.6/ Indemnité de précarité

Considérant que l’indemnité de précarité prévue par l’article L 1243-8 du code du travail qui compense pour le salarié la situation dans laquelle il est placé du fait de son contrat à durée déterminée n’est pas due lorsque la relation contractuelle se poursuit en contrat de travail à durée indéterminée du fait de la requalification ; Que la demande sera rejetée.

4.7/ Dommages intérêts perte de droits PE

Considérant que les ayant droits de l’appelant font valoir que n’ayant pas travaillé les 17 jours qu’il devait effectuer entre le 21 octobre 2012 et le 31 décembre 2012, Monsieur X n’a pas été éligible à l’intermittence du spectacle du fait des 136 heures qu’il a perdues  ce qui représente une perte d’allocation chômage de 8 800 euros (5 mois x58 euros par jour x 30.4 jours ); Considérant toutefois que la société SLO relève à partir du dernier bulletin de salaire de Monsieur X que le cumul des heures qu’il avait travaillées même majorées des 17 jours revendiqués ne suffirait pas pour lui ouvrir le droit à l’assurance chômage du spectacle; Qu’il ne dépassait pas les 324 heures alors qu’il aurait dû justifier d’au moins 507 heures de travail au cours d’une période de référence de 304 jours (10 mois).

La demande en paiement sera rejetée ;

En conclusion, la Cour d’Appel :

  • Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Nanterre déféré en ce qu’il a - condamné la société SLO à payer à monsieur  X :

*la somme de 7 100 euros à titre de dommages et intérêts pour les 17 jours de travail qu’il aurait dû travailler entre le 21 octobre 2012 et le 31 décembre 2012, et ce, conformément au contrat de travail du 30 juin 2012,

* la somme de 1 000 euros à titre d’indemnité pour frais irrépétibles de procédure, -débouté monsieurX de ses demandesde dommages et intérêts pour perte d’allocation chômage, de rappel de salaire pour l’activité de directeur financier et de congés payés y afférents ainsi que d’indemnité pour travail dissimulé, -

       -       Infirme le jugement déféré pour le surplus,

Statuant à nouveau Condamne la société SLO à payer aux ayants droit de monsieur X les sommes suivantes :

* 2 500 euros à titre d’indemnité de requalification

* 2 477 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

* 247,70 euros bruts au titre des congés payés y afférents

* 495 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement

* 2 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif

* 1.000 euros en sus de celle déjà allouée par le conseil de prud’hommes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

 

Frédéric CHHUM Avocat à la Cour

4, rue Bayard 75008 Paris

Tél : 01 42 89 24 48 Ligne directe : 01 42 56 03 00

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