Requalification de 108 CDD d’intérim (pendant 2 ans) en CDI (c. cass. 9 avril 2015)
M. X a été, aux termes de cent huit contrats de mission s'échelonnant entre le 21 juin 2007 et le 3 juillet 2009, mis à la disposition de la société Smurfit Kappa France.
Le salarié a saisi la juridiction prud'homale afin d'obtenir à l'égard de l'entreprise utilisatrice, la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée.
Le 5 novembre 2013, la Cour d’Appel de Grenoble a fait droit à la demande du salarié, intérimaire.
La société s’est pourvue en cassation. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi dans un arrêt du 9 avril 2015 (n°14-10168).
La société plaidait notamment que :
1°/ la seule succession de contrats à durée déterminée conclus avec le même salarié ne suffit pas à établir l'affectation de ce dernier à un emploi relevant de l'activité normale et permanente de l'entreprise ; qu'une telle affectation est exclue lorsque le salarié occupe successivement des postes différents au sein de l'entreprise ;
2°/ le recours à l'intérim est autorisé pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent dont le contrat de travail est suspendu, quelle qu'en soit la cause ; qu'en relevant qu'un grand nombre des contrats de mission avait été conclu pour remplacer des salariés absents à raison de la prise de leurs congés payés ou RTT, pour en déduire que ces contrats avaient pourvu durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-6 1° c) du code du travail ;
3°/ qu'en cas de conclusion d'un contrat de mission en vue du remplacement d'un salarié absent, l'employeur n'est pas tenu d'affecter le salarié recruté en remplacement au poste même occupé par la personne absente ;
4°/ le recours au contrat de mission pour assurer le remplacement seulement partiel d'un salarié absent est licite ; qu'en retenant que les contrats de mission conclus en remplacement d'un salarié absent qui ne mentionnent pas ce « glissement de poste » précisent que le remplacement du salarié ne concerne qu'une « partie des tâches » objet de la mission, pour en déduire que ces contrats avaient pourvu durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-6 1° a) et c) du code du travail ;
5°/ le recours au contrat de mission dans le cadre d'un accroissement temporaire d'activité est licite en cas de variations cycliques de la production ; que la société Smurfit Kappa France faisait valoir qu'elle était soumise constamment à des variations imprévisibles de sa production en raison de son caractère très individualisé, dès lors qu'elle adaptait celle-ci à chacune des commandes de ses clients ; qu'en jugeant que la société Smurfit Kappas France ne justifiait pas d'accroissements temporaires d'activité, sans s'expliquer sur les caractéristiques de la production de l'établissement de Chasse sur Rhône très individualisée, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-6 2° du code du travail ;
6°/ que les dispositions de l'article L. 1251-36 du code du travail mettant à la charge de l'employeur l'obligation d'observer un délai de carence à l'expiration d'un contrat de mission avant de conclure avec le même salarié un nouveau contrat de mission, ne sont applicables que lorsque le salarié est affecté sur un même poste ;
7°/ que le délai de carence visé par l'article L. 1251-36 du code du travail n'est pas applicable lorsque le contrat de mission est conclu pour assurer le remplacement d'un salarié temporairement absent ou dont le contrat de travail est suspendu, en cas de nouvelle absence du salarié remplacé ; qu'en jugeant que le non-respect des délais de carence par la société Smurfit Kappa France justifiait la requalification des contrats de mission de conclus avec M. X... pour assurer le remplacement de salariés absents, la cour d'appel a violé l'article L. 1251-37 du code du travail.
La Cour de cassation ne retient aucun de ses arguments.
Elle relève que la Cour d'appel de Grenoble, a constaté que le salarié avait pendant les cent huit missions d'intérim dont il avait bénéficié du 21 juillet 2007 au 3 juillet 2009 et ce quels qu'en aient été les motifs, toujours effectué des tâches similaires consistant à ranger les productions en stock, ou à les charger sur des camions pour des commandes.
La Haute Cour conclut que la Cour d’appel a caractérisé un recours à des contrats de mission ayant pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice, justifiant légalement sa décision.
Frédéric CHHUM Avocat à la Cour
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